Le jeu du pouvoir
prologue
" L'on raconte qu'aux temps
anciens, bien avant que le royaume de Marubhümi ne devienne un
empire, naquit une adorable petite fille à la peau plus noire que la
nuit. Son père la prénomma Suryani.
Les années passèrent. La petite fille
devint une jeune femme, dont la beauté n'avait de comparable que
celle du soleil aux milles rayons d'or. De valeureux guerriers
affluèrent de partout pour lui faire la cour, marchant parfois des
semaines entières dans le désert brûlant pour avoir une chance
d'obtenir la main de la belle. Ils déposèrent à ses pieds des
montagnes de cadeaux. En vain. Ils ne récoltèrent de la belle
Suryani qu'un regard dédaigneux. Qui étaient-ils pour prétendre la
mériter, elle, la plus jolie fille du royaume ? Et surtout
pourquoi se marier et quitter son père et ses gens qui lui passaient
le moindre de ses caprices ?
Le soleil se coucha plus d'un millier
de fois sans qu'aucun homme trouve grâce aux yeux de la jeune femme.
Et son père renvoya les uns après les autres chacun des
prétendants. Jusqu'au jour où le roi lui-même vint demander la
main de la belle. Le père, certain que cette fois-ci sa fille serait
satisfaite, s'empressa d'aller lui annoncer la bonne nouvelle. Mais
celle-ci refusa. Peut lui importer la richesse du souverain. Ce
dernier était vieux et avait déjà de nombreuses épouses. Hors
de question qu'elle ne l'épouse. Suryani voulait être la
première, l'unique, ce n'était pas négociable.
Mais le roi était un homme si
puissant, les bénéfices de cette union si grands et le père de
Suryani si las que pour la première fois de sa vie, il tînt tête à
sa fille. La belle eut beau tempêter, pleurer, supplier, il ne céda
pas et le mariage fut conclu.
Plusieurs jours de fêtes furent décidé
au terme desquels Suryani devait rejoindre son nouvel époux. Tout le
monde se réjouissait, célébrant avec enthousiasme l'union de la
plus belle fille du royaume et de leur souverain bien-aimé. Tout le
monde, sauf la mariée. Celle-ci fulminait, ne pouvant concevoir que
son père lui ait dit non. Ces gens ne la connaissaient pas s'ils
pensaient qu'elle allait laisser faire ça. Dés que ses domestiques
eurent le dos tourné, elle rassembla ses affaires et s'enfuit de la
demeure paternelle. N'ayant nulle part d'autre où se réfugier, elle
qui n'était jamais sortie de chez elle, la belle alla frapper à la
porte de sa vieille nourrice. « Petite mère, petite mère,
aide-moi, je t'en conjure» la supplia-t-elle. Devant les yeux
implorant sa petite protégée, la vieille nourrice accepta de la
cacher dans sa modeste habitation.
Le royaume entier chercha Suryani et
cela pendant des jours. Le roi, persuadé que celle-ci s'était
réfugiée chez l'un de ses anciens soupirants, envoya des soldats à
travers tout le royaume. Mais personne ne pensa à la vieille
nourrice.
La jeune fille aurait pû restée
cachée là des années. Ou peut-être pas, à bien y
réfléchir. Aurait-elle supportée la vie modeste des gens des
castes inférieurs, elle qui était née Afani et avait toujours
bénéficiait des avantages du à son rang ? Nous ne le saurons
jamais, car l'histoire de sa fuite arriva aux oreilles de Banu le
sanglant, dieu parmi les dieux. À cette nouvelle, il entra dans une
rage noire. Ses guerriers devaient être respectés. Comment une
simple femme osait-elle désobéir, déshonorant du même coup son
père et son roi ? En agissant ainsi, c'était lui-même qu'elle
insultait et cela il ne pouvait le tolérer. Suryani devait être
puni.
Pour ce faire, il envoya un de ses
subalternes, un esprit du feu, aussi séduisant que malin dans la
cité où vivait la belle. Celui-ci prit la forme d'un jeune
combattant, beau comme un prince et fort comme un taureau. Quand il
fit son apparition dans les quartiers pauvres, monté sur un
magnifique pur-sang, toutes les femmes arrêtèrent de travailler
pour l'admirer. Le guerrier ne leur accorda pas un regard et continua
sa route vers la bicoque de la vieille nourrice. Il y trouva Suryani,
qui, au mépris de toute prudence, brossait ses longs cheveux au
soleil. Elle l'aperçut et suspendit son geste. Il lui sourit et elle
tomba immédiatement sous son charme, acceptant sans hésiter de
l'épouser. Mais la vieille nourrice, que l'âge avait rendue
méfiante et pleine de sagesse, mit en garde sa fille nourricière.
“Les apparences sont parfois trompeuses mon petit rayon de soleil.
Pour être sûre que celui-ci est le bon, fais cuire un pain. Si la
miche se brise, c'est Ekàn, protectrice du foyer, qui tente de
t'avertir. Renonce alors à ton projet. Il ne t'apportera que du
malheur»dit-elle à sa protégée.
Parce qu'une femme écoute toujours
celle qui la nourrit au sein, la belle Suryani se mit aussitôt à
l'ouvrage. Elle qui n'avait jamais travaillé de sa vie, pétri la
pâte de ses mains fines, encore et encore pour que son pain soit le
plus beau, aussi beau que son futur mari.
Pourtant, malgré ses efforts, quand
elle sortit la miche du four, celle-ci se brisa. Pendant un court
instant, elle resta indécise, fixant le pain comme si celui-ci
pouvait lui donner une réponse. Puis elle haussa les épaules et
choisit d'ignorer les recommandations de sa nourrice. Le soir même,
elle épousa l'esprit du feu.
Comme le veut la coutume, le nouveau
marié emmena sa jeune épouse sur sa monture. Caché sous un voile,
personne ne reconnut la promise du roi que tout le monde cherchait
partout et le serviteur de Banu réussit sans mal à lui faire
quitter la ville. Ils chevauchèrent de longues heures, s'enfonçant
profondément dans le désert brûlant. Quand enfin ils descendirent
de cheval, Suryani s'approcha de son nouvel époux pour l'embrasser.
À peine ses lèvres eurent-elles effleuré les siennes que le jeune
guerrier s'éloigna d'elle. Suryani voulut le suivre, mais ses
membres lui semblaient soudain peser si lourd. Sa tête lui tournait.
Mais qu'est-ce qui lui arrivait ?
Sans se départir de son sourire
enjôleur, l'esprit du feu contempla la magnifique jument qui se
tenait maintenant à la place de sa jeune épouse. Il lui tourna
ensuite le dos et repartit dans le désert où il disparut.
L'histoire raconte que lors d'une de
ses chasses dans le désert, le roi tomba sur une magnifique jument à
la robe aussi noire que la nuit. Sous le charme, il la fit tout de
suite conduire dans ses écuries ? Quant à sa promise, le
souverain se remit bien vite de sa disparition et épousa la jeune
sœur de celle-ci, un peu moins jolie, mais beaucoup plus aimable.
L'ordre de choses était enfin rétabli."
Très intéressant, bon style et excellente imagination !
RépondreSupprimerJe continuerai à lire tes récits ;)