Sur mes étagères : Les bijoux bleus de Katharina Winkler

Les bijoux bleus, Katharina Winkler

Editeur : Jacqueline Chambon

Genre : Littérature étrangère

Résumé :

Des étoiles plein les yeux, l’innocente Filiz, treize ans, demande à l’arbre sacré de son village reculé de Turquie si le jeune Yunus deviendra son mari. La réponse ne tarde pas. Le mariage est un tourbillon. Il sera consommé dès la fin de la découpe du gâteau blanc meringue avec le rituel du drap taché du sang de la “petite vierge”.
Très vite, tout est noyé de bleu dans le quotidien de la jeune fille. Yunus s’emporte fréquemment contre son épouse, sous le toit de l’“araignée”, la mère du garçon. Alternant silence dédaigneux et méchanceté tranchante, la belle-mère et le mari, fort de son droit d’époux, tissent une toile de terreur qui emprisonne Filiz, recluse dans sa condition de femme mariée. La sexualité conjugale est viol quotidien. Les bijoux bleus ne tardent pas à recouvrir son corps, sur lequel, au gré des fractures, apparaissent bientôt des reliefs, fruits de la tyrannie exercée par Yunus. Et le ventre s’arrondit. Trois fois. Pour trois enfants issus d’un foyer à feu et à sang.
Puis c’est l’exode vers l’Autriche. La rencontre avec la langue allemande, les jeans, l’apprentissage de la conduite, les femmes aux cheveux découverts et détachés. Une lueur d’espoir.




Les bijoux bleus, se sont les hématomes qu’arborent les femmes dans certains villages reculés de Turquie. Parfois bleu clair, parfois bleu foncé, ils sont les emblèmes de leur condition de femmes dans un pays où l’homme est roi et où les coups sont le seul langage de l’amour. Une violence à telle point ancrée dans les mœurs qu’elle en devient source de fierté pour ces femmes qui en portent les stigmates comme des parures.

" Dans notre vallée vivent ces femmes bleues. Il y a des femmes bleu clair comme la mère de Necla et des femmes bleu foncé comme la mère de Fidan ; il y a des femmes bleu-rouge et d’autres bleu-noir. Il y a des femmes qui portent leur bleu autour du cou comme un collier ou bien dans le creux juste en dessous comme un médaillon, certaines le portent en bracelet autour du poignet, d’autres autour de leurs chevilles.
Beaucoup de femmes changent de bijoux bleus d’une semaine sur l’autre, d’autres d’un jour à l’autre. Certaines continuent de sourire malgré leurs bijoux, comme Leyla, d’autres se taisent en bleu, comme Zehra.
Les femmes bleu clair deviennent bleu foncé, les bleu-rouge deviennent bleu-noir. Des bleu foncé deviennent aussi des bleu clair, mais c’est rare et les femmes qui portent le bleu-noir, comme Ayşe, ne se défont jamais plus de la lourde teinte. "
Filiz est née dans l’un de ces villages. Elle n’a que treize ans quand elle épouse Yunus. Un mariage d’amour qui pourtant ne va pas tarder à se teinter de bleu. De cette union naîtront trois enfants, peureux et craintifs comme leur mère. Puis, c’est le départ vers l’Autriche, pays des jeans et de la liberté. Peut-être l’espoir d’une nouvelle vie pour Filiz et ses enfants. Mais il n’est pas chose aisée de remettre en cause un système qu’on a toujours connu.

Un tout petit roman, mais riche en émotions. Le récit est raconté à la première personne dans un style d’une grande simplicité, qui tire sa poésie de son extrême sobriété. Cette absence de fioriture rend encore plus frappante la violence omniprésente dans ce texte qui nous est livré telle qu’elle, dans son aspect le plus brut. Les faits sont narrés avec une rigueur presque journalistique par cette narratrice à qui l'on a appris à renier son propre ressenti. Pourtant, le choix des mots nous heurte, nous qui ne pouvons accepter de rester passif face à tant d’injustice, nous poussant à nous révolter à la place de Filiz.

Cette histoire, inspirée de faits réels, est celle de Filiz, mais aussi de beaucoup d’autres. Un constat qui résonne d’autant plus que la lutte contre les violences faites aux femmes vient d’être déclarée grande cause nationale.

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