Géniteurs & Fils, d'Anthony Boulanger
Editeur : Editions du chat Noir
Recueil de nouvelles
Pages : 170
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Résumé :
L’union tissée entre un père et son enfant est un lien primordial qui demeure bien au-delà du temps partagé, mais que se passe-t-il lorsque cette relation est non-fonctionnelle, défaillante, dangereuse ? Rabaissées, violentées, ignorées, quel destin attend ces pauvres âmes qui portent les stigmates d’une jeunesse gâchée ? Pourront-ils engendrer une nouvelle génération ou bien les séquelles de leurs traumas ne provoqueront-elles que la répétition de maux profonds ?
À travers les nouvelles de ce recueil, oscillant entre réel et fantasme, des Fils et leur Géniteur se fuient, se pourchassent, se détruisent, volant en éclats de vie et de peur. La plume d’Anthony Boulanger suit l’évolution de cette relation, en quête de compréhension et d’un changement possible afin d’effacer les erreurs vécues par les générations meurtries.
Une chronique très, très en retard, mais je tenais absolument à vous parler de ce livre. J’ai reçu ce recueil en cadeau avec ma commande aux éditions du chat noir dans le cadre du « un mois, une maison, un achat " du mois d’avril . La couverture m’a tout de suite donné envie de le lire et finalement je m’y suis mise dès le lendemain.
Une plume agréable qui sublime le récit et des personnages uniques
J’ai été très agréablement surprise, surtout que la nouvelle n’est pas un
format que j’apprécie plus que ça. Je trouve que la plupart du temps, les choses
sont un peu survolés et j’ai du mal à vraiment m’immerger dans des textes aussi
court. Ce ne fut pas le cas ici. Dès les premières lignes, je me suis retrouvé
emporté par la plume d’Anthony Boulanger. Le ton est donné. Le thème est sombre,
triste, parfois même violent, mais l’écriture à la fois simple et poétique
sublime ce texte.
“ Au loin, la sirène d’une ambulance s’éloigne. Elle finit dans les graves, puis s’assourdit avant de mourir. Assis dans l’alcove de sa fenêtre, l’enfant regarde la pluie cogner contre sa vitre, si fort, qu’elle donne l’impression de vouloir entrer dans sa chambre noire. Mais celle-ci est déjà là en vérité. Cette obscurité au plafond, ce sont les orages, les cris sont le tonnerre, les larmes sont les gouttes”
Les personnages sont riches et portent réellement l’histoire. Chacun d’eux est unique de par son passé, sa personnalité ou sa façon de réagir à la douleur ou au chagrin. L’auteur ne s’est pas contenté de stéréotype, mais a vraiment cherché à aller au fond des choses que ce soit du côté des pères ou des fils, car l’enfant n’est pas toujours la victime de cette relation défectueuse même si c’est quand même bien souvent lui qui souffre. On ne peut s’empêcher de ressentir de l’empathie pour ces personnages qu’on a l’impression de connaître alors qu’ils n’ont parfois même pas de noms.
Un thème difficile
- Génération première : cette première partie donne le ton au recueil. Oscillant entre une réalité froide et cruelle, et l'imaginaire propre à l’enfance, cette partie traite de façon subtile et touchante le thème de la violence. Ce sujet, le plus dur qui soit, je pense, est traité de façon très originale et subtile et l’on ne tombe jamais dans le pathos. Cela ne rend pas pour autant les choses plus faciles pour le lecteur, car malgré les éléments fantastiques, la réalité est toujours là, comme une ombre menaçante. Les personnages souffrent. L’imaginaire, sublimé ici, devient alors, un moyen de fuir une réalité trop dure à supporter.
" Une main énorme vint fouiller sous le lit et se saisit de l'enfant qui hurle, griffe. Le faiseur de pluie le tire et le jette dans le coin opposé.
- Tu as vu ce que j'ai dû faire à ta mère à cause de toi, morveux ! tonne le faiseur.
L'enfant aurait voulu être comme l'élémentaire de feu. Mais la pluie de coup tombe à nouveau. "
- Génération abandonnée : Cette partie, comme l’indique le titre, parle de rejet et d’indifférence. Il n’est plus question de violence physique, celle-ci se fait plus insidieuse, plus psychologique. Que devient un enfant quand l’amour du père est absent ?
" Tu vois Pierre, au début je pensais que mon paternel faisait ce boulot parce-qu'il aimait l'océan, qu'il aimait naviguer. J'ai alors haï la mer, profondément, de toutes mes forces. Mais j'ai compris au fur et à mesure que ma haine était mal dirigé... Lorsque tu entends mon vieux parler, il ne jure que par son bateau, son fils. Tu te rends compte qu'il appelle cette vieille coque mon fils. Et moi, il ne m'appelle même pas ma fille, c'est juste Delphine ou toi. "
- Génération perdue : Ici le thème est plus vague. Si les relations enfant/parent restent le sujet principal, l’auteur nous transporte ici dans des genres différents, de la SF à la Fantasy en passant par l’horreur. J’ai pris plaisir à découvrir ces univers.
" il s'approcha de la cuve qui occupait le centre de la pièce et posa une main sur la paroi. Derrière le verre, un enfant de sept, huit ans peut-être, au corps allongé, flottait dans un liquide rose. le garçon avait les yeux fermés, sans sourcils. Les doigts et orteils étaient dépourvus d'ongles, le crâne chauve. La peau, rendue translucide par le séjour prolongé dans le sérum physiologique, laissait deviner les ombres des os et des organes. "
- Génération sauvée : Une partie plus optimiste. Les histoires restent plutôt tristes, mais sont teintées d’espoir et d’amour.
" Alors, la prochaine fois que vous vous trouverez au bord de l'océan, par un nuit noire, et qu'aucune lumière ne vous gênera, levez les yeux et regardez attentivement la voûte céleste. vous verrez peut-être ce que nous appelons aujourd'hui la voie lactée, et vous reconnaîtrez le sillage que le bateau de Graaktig laisse entre les étoiles..."
- Génération seconde : Cette partie ne contient qu’une seule nouvelle et le thème de la relation père/fils est moins flagrant. Ce récit propose tout de même une fin intéressante pour le recueil et permet de voir les autres histoires sous un éclairage nouveau.
“ C’est ainsi qu’aurait parlé l’homme que j’aurais pu devenir si je n’avais pas été père… [...] je suis lié à ce bout d’homme là-bas certes, et ça vois-tu, c’est le genre d’entrave dont personne ne voudrait se libérer… Pas même pour le plus grand pouvoir au monde... “
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